La Colombie est géniale!

Vallée de Cocora
Vallée de Cocora

Voilà maintenant deux semaines que je suis arrivée, et cette conclusion s’impose. La Colombia est aussi incroyable que l’Indonésie. Peut-être ai-je un faible pour les pays tropicaux?* Ca me semble être une hypothèse pleine de sens. La Colombie a tout ce qu’on peut chercher de magique dans un pays en ce qui concerne la géographie: des volcans, des glaciers, trois cordillères pour le prix d’une, la mer des Caraïbes et une côte au bord de chaque océan, la jungle amazonienne, le désert… On peut y faire des trekkings magnifiques dans le chaud comme dans le froid, de la plongée, de l’observation de faune et de flore, de la plage, de la découverte de cités anciennes ou d’architecture coloniale majestueuse, ou de la dégustation de fruits sucrés et colorés comme je les adore. C’est vraiment, vraiment impressionnant cet océan de possibilités, et il est très difficile de prendre des décisions quant à ce que je vais voir ou pas, j’ai toujours l’impression que je vais passer à côté de quelque chose! Et pour ceux qui s’inquiètent: la période de violence aveugle de la Colombie est terminée depuis un moment – environ depuis la mort de Pablo Escobar en 1993. Bien sûr il faut savoir dans quelles rues ne pas se balader, il faut trouver des gens qui donnent de bons conseils, mais voyager en Colombie n’est pas un risque en soi… pas énormément plus que, disons, en Italie (du sud). Ok je ne suis pas sûre de cette affirmation à 100%, mais c’est plus ou moins mon ressenti. Il ne faut pas se révéler une cible facile, mais ce n’est pas non plus comme si on allait vous enlever à chaque coin de rue. Et il faut surtout être prudent dans les villes. Quant à la nature, elle a d’innombrables splendeurs à offrir. Ma prédiction est que dans 10 à 20 ans la Colombie sera archi-touristique.

*petit détail pour les chipoteurs: en fait l’adjectif tropical est incorrect, ces pays ne sont pas sur les tropiques mais proches de l’équateur, il faudrait dire inter-tropical pour être précis

Paysage de la Zona Cafetera
Paysage de la Zona Cafetera
Cathedrale de sel a Zipaquira
Cathédrale de sel à Zipaquirá

Juste avant de quitter Bogota, je suis allée à Zipaquirá, une ville pas trop loin, visiter une cathédrale de sel. Très belle et impressionnante, bien que le billet soit excessivement cher pour le pays, elle est située dans une mine encore en activité. J’en ai appris un peu plus sur les indigènes de la region, les Muisca, ainsi que sur l’histoire de l’industrialisation de la mine, et je me suis baladée dans cette immense construction souterraine. Le lendemain, j’ai pris un bus pour Armenia, traversant la Cordillère des Andes transversalement afin de rejoindre ma prochaine destination. Depuis, j’ai appris que les autres pays sud-américains sont traversés par la Cordillère des Andes qui est une chaîne de montagnes plus ou moins uniforme, alors qu’en Colombie cette chaîne se sépare en trois, telle une triple langue de serpent. Ce que j’ai fait en bus est donc descendre l’une de ces branches (car Bogotá est dans les hauteurs, je le rappelle), et remonter la suivante pour me retrouver dans la Zona Cafetera, où le climat est particulièrement propice à la culture du café.

Cafe qui pousse dans une "finca"
Café qui pousse dans une « finca »

J’ai donc accompli mon devoir et visité cette superbe region. J’y ai retrouvé les palmiers et bananiers, arbres que j’aime tant, lors d’un trek à Salento (non pas dans les Pouilles du sud de l’Italie, mais bien Salento en Colombie!). Six petites heures de marche dans la forêt tropicale de mon cœur, avec un crochet par Acaime, la maison des colibris. Mes premiers colibris, je n’en avais jamais vus avant! Animaux incroyables, oiseaux se comportant comme des insectes et arborant un tas de couleurs magiques. Cette marche de la Vallée de Cocora, avec un couple d’Autrichiens fort sympathiques rencontrés en chemin, s’est terminée par la vision enchanteresses des plus hauts palmiers du monde (on dit qu’ils culminent jusqu’à même 80 mètres). Quelques jours en Colombie et me voici deja comblée; superbe!!! Le lendemain, j’ai visité une petite finca de cafe, une ferme familiale où le café est produit entièrement biologiquement. Il fut expliqué comment faire pousser le café de façon durable, sans produits ni engrais chimiques (mais uniquement avec l’aide de poules pour l’engrais, de plantes pimentées pour les pesticides, d’autres arbres et plantes sur le terrain pour pomper l’eau supplémentaire/offrir de l’ombre/attirer les insectes, etc). Puis, on nous a montré les différentes étapes de traitement de la plante, de la machine qui sort les grains de cafe de leur coque rouge à l’étape de chauffage puis passage au moulin, en passant par le nettoyage et séchage des grains afin de retirer l’enveloppe graisseuse qui les protège. J’y ai appris que plus le café est cuit longtemps (et devient sombre), plus le goût est fort, mais moins le taux de caféine est élevé! Une très intéressante visite, et oui je me suis forcée à boire le café qu’on nous a offert; ce fut moins horrible que prévu, parce que le café est peu fort en Colombie par rapport aux goûts européens. Mais tout de même, je n’en boirais pas chaque matin.

Colibri a Acaime
Colibri à Acaime
Un Willy durant le défilé
Un Willy durant le défilé

Dans la Zona Cafetera, qui s’étend sur plusieurs départements, le déplacement se fait en Willy’s, une variété de mini-jeep dont les droits furent apparemment achetés par la Colombie au sortir de la deuxième guerre mondiale dans l’idée de transporter le café. Depuis, le véhicule a assumé plusieurs autres rôles, dont le transport de personnes. On monte à l’arrière de la petite jeep dont le panneau à l’avant indique le nom de la destination qui nous intéresse, apres avoir discuté du prix avec le chauffeur, et ainsi on parcourt les paysages de collines verdoyantes de la région à 30km/h. Dans de nombreux cas, et cela m’est bien sûr arrivé, la place faisant défaut à l’intérieur du véhicule, quelques passagers s’installent debout à l’arrière et s’accrochent a la structure métallique de la voiture. Une expérience qui n’est pas sans me rappeler l’Indonésie! A Armenia, lors de mon dernier jour là-bas, j’ai eu la chance de voir passer un défilé de Willy’s, chaque propriétaire exhibant fièrement, accroché à sa jeep dans des positions défiant la gravité, ce qu’il produit, vend, ou aime.

Vallee de Cocora
Vallée de Cocora

img_8371Après Armenia et Salento, j’ai pris un bus pour le nord, jusqu’à Manizales. On me l’avait recommandé comme bon point de départ pour Los Nevados, des glaciers et volcans de la région. Je suis arrivée un soir, ai réservé mon trek pour le lendemain, et suis immédiatement allée dormir afin de me lever à 4h30 pour un départ à l’aube! De nombreuses heures de voiture (la route permet difficilement d’aller plus vite qu’à 30km/h) nous ont permis d’atteindre les 4000m d’altitude, zone de páramos, et ici un petit ex-cursus s’impose. Je n’avais jamais entendu parler de cet écosystème montagneux intertropical, et pour cause: on n’en trouve que dans certaines régions du monde; Afrique orientale, Ethiopie, Amerique Centrale, et surtout dans les Andes du Nord. Là, il n’y en a que dans quatre pays; le Pérou, le Venezuela, l’Equateur et la Colombie (qui détient 70% des páramos des Andes/ou du monde). Ce que cet écosystème a de particulier sont ses plantes, qu’on ne trouve sauf erreur pas ailleurs. Cela produit un résultat visuel superbe, une impression de cactus (mais ce n’en sont pas) survolés par des gros oiseaux qui sont parfois des aigles, et parfois, de loin, des condors!

Palmiers de 60m a 80m dans la Vallee de Cocora
Palmiers de 60m à 80m dans la Vallée de Cocora

Bien sûr, quand on monte on sort du páramo pour se retrouver simplement en haute montagne, et même dans le froid (j’ai vu de la neige, oui oui). Les six heures de trek sur le Nevado Santa Isabel ne furent pas de toute facilité, parce que c’était la première fois que je me déplaçais à une telle altitude, et que nous sommes montés jusqu’à 4700m! Mais bon sang ça en a valu la peine. Ce fut du même coup ma première fois sur un glacier (qui recule à une vitesse effrayante, a énormément diminué en 10 ans et aura disparu d’ici environ 5 ans). Et comme l’ensemble de la zone est liée aux volcans et que tout ce sur quoi j’ai posé le pied là-bas fut produit par des phénomènes volcaniques, je me suis aussi promenée proche d’un cratère rejetant de la vapeur. Génial!!!

Une plante typique de paramo
Une plante typique de páramo

Les jours suivants je suis restée un peu à Manizales et ai visité la région avec mon guide des Nevados, Pablo: nous sommes allés d’abord sous un soleil de plomb voir un peu plus de la Zona Cafetera en nous déplaçant vers Chinchina et Palestina, puis sous la pluie grimper une petite montagne à Riosucio. J’ai aussi eu droit à plein d’explications sur la région et sur la ville, qui fut à l’époque colonisée par des habitants d’Antioquia, un département plus au nord. Beaucoup de marche en quelques jours pour mes pauvres jambes, qui furgent bien contentes des plusieurs heures de car que durait le trajet vers Medellin!

El Nevado Santa Isabel
El Nevado Santa Isabel

Je vous avais dit que je vous reparlerais de certains sujets, j’y viens. En ce qui concerne la comparaison avec Jakarta, voilà mes impressions: Bogotá est bien plus propre et moins polluée, elle a des rues dans lesquelles on peut se balader (possible en termes d’infrastructures, là où à Jakarta ça ne se prêtait simplement pas), et est beaucoup moins encombrée de scooters, les gens se déplacent en voiture. Bien sûr le pays n’est pas musulman, donc les femmes ne sont pas (voire beaaaaucoup moins!) couvertes et les gens boivent de l’alcool. Et je trouve que le niveau de vie a tout de même l’air plus élevé, peut-etre que la proportion de pauvres et très pauvres est plus basse ici, que la classe moyenne est plus fournie. Là où par contre je retrouve mes habitudes indonésiennes c’est que beaucoup de bâtiments sont de simples blocs aux multiples étages, dont les façades au niveau du sol sont couvertes de panneaux colorés, parfois réalisés à la main, indiquant le contenu de la boutique ou du restaurant. On trouve de petites vendeurs de rue/stands au bord de la rue où l’on peut manger à l’emporter (sauf qu’ici au lieu du riz frit ce sont les empanadas). On mange beaaaaaaucoup de riz, quasiment à chaque repas. Le climat est équivalent, donc la météo et la flore aussi un peu (même s’il fait en moyenne plus froid à Bogotá), et du coup on peut boire du jus de mangue à toute heure (ou autre délice fruité de ces latitudes). Et finalement, les bus aux horaires aléatoires m’ont aussi rappelé mon séjour indonésien. Bref, une remarque que j’ai faite à une amie résume un peu mon impression générale: que la Colombie est une espèce d’Indonésie méditerranéenne (pas completement indonésienne, tendant vers l’italienne sous certains aspects dus à sa culture latino).

Close to Manizales, Riosucio
Près de Manizales, Riosucio

Un autre thème qu’on ne peut éviter, surtout quand on arrive en Colombie quelques jours apres que le président Santos ait reçu le prix Nobel pour une paix qu’il n’a pas réussi à faire accepter au peuple, c’est le traité qui aurait dû permettre à la Colombie de sortir d’une longuissime période de guerre. Vous avez probablement entendu parler du refus de justesse des Colombiens, ça s’est joué à très peu de pourcents. De quoi s’agissait-il? D’un accord de paix entre les Forces Armees Revolutionnaires Colombiennes (FARC) avec le gouvernement colombien afin de trouver une solution d’entente pour mettre fin à un conflit armé et sanguinaire de plus d’une cinquantaine d’années, qui a traumatisé une majorité des Colombiens. Qui n’est pas inclus dans le traité? Les groupes paramilitaires, qui se formèrent à l’époque pour se protéger des guerilleros, et avec la bénédiction du gouvernement, mais qui se sont montrés très cruels eux aussi, et ont eux aussi tués des innocents. D’ailleurs qui d’autre s’est montré cruel et a tué des citoyens colombiens? Le gouvernement. Mais bon, là on entre trop dans les détails. Il suffit de comprendre que tout cela est bien compliqué, et que maintenant les différents acteurs sont arrivés à un point où il est plus stratégique pour eux de signer la paix que de continuer à se battre (non, Santos n’est pas juste un saint altruiste), et que le président a voulu un plébiscite pour asseoir sa victoire, mais qu’il s’est fait battre.

El Nevado Santa Isabel
El Nevado Santa Isabel

Malheureusement, les Colombiens ont été très peu nombreux à voter (environ 40% de la population en âge de le faire), et le verdict des urnes a été le résultat d’une grande campagne de désinformation et de peur. L’ancien président, Uribe, voulait mettre des bâtons dans les roues de Santos et a formé une campagne qui disait, en gros, qu’on veut de la paix mais pas de cette facon. Il  a réussi à s’allier les milieux religieux de droite en prétendant que la paix de Santos mènerait à un régime dictatorial homosexuel et communiste (oui, c’est du lourd), et à faire croire que les FARC auraient droit à l’impunité par rapport aux crimes qu’ils ont commis. Et finalement un chef de campagne a expliqué a posteriori que leurs objectifs n’étaient pas d’expliquer le traité et les réformes qui ensuivraient, mais de répandre l’indignation. Ils ont donc prédit aux pauvres ce qu’ils ne veulent pas entendre (quelque chose comme suns ides pour les FARC), et aux riches ce qu’eux ne veulent pas entendre (quelque chose comme une réforme qui s’ensuivrait et ne serait pas en leur faveur), et ils ont fini par gagner. En réalité, l’accord qui a été formulé est « classique » par rapport à ce qui s’est fait dans d’autres pays avec des situations similaires (notamment l’Irlande du Nord). Les FARC dans leur ensemble auraient eu la possibilité de devenir un parti à part entière, avec sa place au parlement, alors que certains individus ayant avoué leurs crimes (graves) devraient passer par des peines de travail pour la communauté (petit commentaire: les prisons sont archi-pleines en Colombie). Et bien sûr l’accord n’est pas parfait, Santos n’est pas parfait, les guerilleros ont commis des atrocités. Mais la paix aurait probablement été un premier pas vers une amélioration pour ce pays qui a vécu trop longtemps dans la peur et la douleur. Quel est le plus triste dans tout ca? Les zones ayant vécu la guerre directement ont voté oui parce qu’ils préfèrent pardonner que continuer à souffrir.

Voici un lien avec les résultats du vote en chiffres et carte, les zones ayant souffert des FARC sont toutes inclues dans la partie qui a voté oui: http://plebiscito.registraduria.gov.co/99PL/DPLZZZZZZZZZZZZZZZZZ_L1.htm

Riosucio
Riosucio

On pourrait en dire beaucoup plus, expliquer à quoi remonte le conflit des FARC (qui fut au départ une lutte libérale contre le gouvernement) et l’histoire de la violence en Colombie (impliquant notamment le parti libéral et le conservateur, qui après de sanglants affrontements de guerre civile ont fini par s’allier et devenir presque indissociables, se partageant le pouvoir dans le pays sans grande considération pour les citoyens). Mais je ne m’y connais pas du tout, ne sais ce que je sais que grâce aux explications de mes amis – et ma mauvaise mémoire ne fait pas honneur aux détails qu’ils m’ont fournis. Restons-en la pour le moment.

Lecture colombienne en cours: Cien años de soledad (Cent ans de solitude) par Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de la litterature colombien. D’ailleurs vous le dire me rappelle que Pablo, mon guide, m’a cité une phrase qu’il a vue passer et trouve très juste: « La Colombie est un pays avec un prix Nobel de littérature alors qu’elle ne lit pas, et qui a reçu un prix Nobel pour une paix qui n’a pas été signée… précisément parce qu’elle ne lit pas ».

Prochaines étapes: Medellín (ville de Pablo Escobar et Fernando Botero), Guatape et son rocher, Jardín, peut-être Santa Fe de Antioquia, puis le nord pour la côte des Caraïbes (je me réjouis!)

Pour plus de photos, cliquez ici

Parque Nacional Los Nevados
Parque Nacional Los Nevados

2 commentaires Ajoutez le votre

  1. Matcha dit :

    Merci pour cet article avec beaucoup d’explications historiques sur la Colombie ! C’est très intéressant (et ça donne envie d’y voyager). Je te trouve très sportive avec toutes ces randonnées.
    PS : ton correcteur automatique fait des siennes je pense : ven d’euros de rue 😉

    1. admin dit :

      Oups merci! En effet sacré correcteur 😉

Laisser un commentaire