Imaginez un pays où on peut observer tant des gazelles et des chameaux (au sud) que des caribous et des ours (à l’est, mais là on ne va pas aller)…
La sauvage Mongolie est devenue plus touristique depuis les années 90, mais les infrastructures pour touristes sont généralement encore simplement des camps de yourtes et des pistes non goudronnées à travers le désert. Les conditions sont dures, le vent souffle fort, les températures varient entre les extrêmes. Pourtant, humains et animaux mènent leur vie, y compris dans des coins complètement isolés, au milieu de nulle part. Farouche, décoiffante, magnifique Mongolie!

Notre premier voyage à deux en mode aventure a commencé avec un bon gros échec: manquer la correspondance à Pékin, comme des boulets, alors qu’on avait 3h devant nous. Leçon d’humilité! Par chance, Air China nous a mis gratuitement dans un autre vol pour l’après-midi-même, et hormis quelques visites dans la capitale qui sont repoussées à la fin du séjour, nous n’avons rien manqué du programme prévu – et surtout, pas décalé le début du séjour. Tout est bien qui finit bien.


Notre guide/interprète Mugi et notre chauffeur Jaghan sont venu•es nous chercher et nous avons affronté l’horrible trafic d’Ulaanbaatar (Oulan-Bator, UB pour les intimes). 3h de bouchons plus tard, on dégustait notre premier plat local: une fondue mongole sous forme de bouillon, dans lequel on fait cuire viande (de bœuf et de cheval), légumes et champignons. Un très copieux et délicieux repas! On y reviendra, mais on avait lu à plusieurs reprises que la nourriture en Mongolie était pour certain•es voyageureuses chevronné•es le plus grand défi culinaire qu’iels avaient rencontré en voyage. On s’est bien préparé•es mentalement ces derniers mois, dans l’espoir d’amenuiser le choc. On verra bien comment ça évolue, mais pour le moment nous n’avons encore rien mangé de déplaisant (phrase encore valide au jour 10)!

Après une bonne nuit de repos suite à nos plus de 22h de déplacement depuis le départ de la maison, nous avons quitté l’enfer urbain d’UB dans la jeep Galloper II qui deviendrait notre lieu principal pour les trois prochaines semaines. On a mis le cap vers le sud et tant le climat que les couleurs du paysage ont commencé à changer très rapidement. Les collines verdoyantes ont laissé place à des plaines pastel vert-bleu parsemées de buissons et quelques herbes, puis la terre est devenue de plus en plus aride et on a même fini par apercevoir du sable. Très vite, on a vu nos premiers chameaux. Nous étions arrivé•es dans le Désert de Gobi.


Dès le premier jour, on a été entouré•es d’animaux! En plus des chameaux (260’000 dans le Gobi!) on s’est déjà habitué•es à voir des aigles, des troupeaux tricolores de chèvres et de moutons, des hordes de chevaux et plein de vaches, qui bloquent souvent les routes. Comme on s’y attendait, les paysages s’étendent à perte de vue, avec l’apparition régulière, ici et là, de yourtes (ger) de familles nomades. Le ciel est spectaculaire et le désert change régulièrement. La plaine laisse place aux collines, aux dunes, ou encore aux rochers, voire même aux canyons et montagnes. C’est ça qu’on vient chercher en Mongolie; la variété incessante de ces merveilles naturelles.


Généralement, le paysage est quand même très plat et la terre sèche, entre grise et beige. Plus on s’enfonce dans le désert et moins il y a d’animaux, on a même vu diverses carcasses. Une bonne partie de chaque jour, on roule sur de la piste qui consiste en gros en quelques traces de jeep passées avant nous, sans aucune signalisation. Les chauffeurs connaissent la route: il est passablement impossible de trouver son chemin en totale autonomie. Ce voyage est un road trip quotidien, agrémenté chaque jour par un lieu d’un nouveau type et par une soirée en yourte chez l’habitant•e.


Ces derniers jours on a vu le canyon bariolé de Tsagaan Suvarga, puis la gorge de Yolin Am, les crêtes de rochers de Khanan Khets pointant toutes dans le même sens, poussées par un ancien événement tectonique, et les dunes de sable de Khongoriin Els. A Yolin Am, on a pu observer des gypaètes haut dans le ciel, des yaks qui broutaient et de mignons petits pikas, rongeur de la famille des lapins, ainsi que des glaces éternelles car une partie du canyon n’est jamais éclairée par le soleil (en hiver, il neige dans le Gobi!). Pour les léopards des neiges et les bouquetins il faudra repasser par contre, ça demande un peu de patience et de s’éloigner des sentiers battus.


À Khanan Khets, les roches semblent être à peine sorties de terre, nous rappelant les crêtes du Jura – mais plus hautes, plus verticales, plus imposantes. Dans ce sublime paysage de la Vallée de la Lune, balayé par le vent, les yourtes étaient minuscules et esthétiques – on reviendra à la beauté des yourtes. On a particulièrement aimé les lumières de fin de journée à Khanan Khets, dans ce coin que notre Lonely Planet ne mentionnait pas et que tou•tes les guides ne connaissent pas. Dans le désert de Gobi, d’apparence lunaire de plein de façons différentes, on se sent facilement plus proches des temps avant l’existence de l’humanité. Non seulement parce qu’on ne croise vraiment presque jamais personne, mais aussi parce que c’est un lieu où ont été retrouvés de nombreux fossiles de dinosaures.


Notre guide n’étant pas très sportive, le programme est plutôt axé balades que randos. On a donc pris quelques libertés ça et là pour pousser un peu plus et monter apprécier la vue sans la guide. Comme toujours, ça en a valu le coup! L’expérience de monter sur une dune de sable pratiquement verticale fut particulièrement intense: on s’enfonçait à chaque pas et on devait s’arrêter tous les dix pas, à bout de souffle et les mollets en feu. Les 300 mètres en ont semblé le triple et il nous a fallu 40 minutes pour atteindre le sommet. Mais quelle vue! Le sable emporté par le puissant vent qui nous fouettait le visage, le désert de Gobi était à nos pieds.


On se déplace donc en rencontrant chaque jour une famille nomade (34% de la population mongole est encore nomade, mais de plus en plus de personnes vont chercher du travail en ville). Le rituel est toujours le même: quand on arrive, on entre dans la yourte principale et on nous sert du suu tee tsai (du thé au lait un peu salé, avec un goût vraiment léger tant de thé que de lait), souvent aussi avec un petit snack fait maison ou des bonbons. Ensuite, on amène nos affaires dans la yourte pour touristes, généralement la plus belle et décorée, meublée de cinq lits mais que nous occupons simplement à deux. Le bois de la structure et de la plupart des meubles est presque systématiquement orange, et les décorations peintes à la main. Pour Marc, les portes sont hautes comme dans le pays des hobbits! L’interprète et le chauffeur dorment quant à elleux dans une yourte séparée, et très souvent la famille dort dans la yourte principale, tout le monde ensemble et à même le sol. Le confort auquel nous avons droit n’est pas celui qu’iels s’accordent.


Les paysages dans lesquels sont installées les familles nomades où nous nous arrêtons (celles avec lesquelles notre agence est en contact) sont toujours absolument splendides. Leurs manières de subsister sont similaires; généralement une famille a un troupeau, s’en occupe et trait les femelles pour consommer et vendre le lait et les produits laitiers préparés sur place. La famille de notre toute première nuit était en plein désert et possédait un troupeau de chameaux. Les bébés chameaux étaient attachés, et leurs pleurs le soir (à briser le cœur) ont fait rentrer les mamans, afin de permettre la traite. On a pu caresser les bébés chameaux, moi j’ai pu essayer de traire une chamelle (échec), et un des bébés s’est pris d’affection pour Marc. Il se collait à sa jambe et ne voulait plus qu’il parte! Le lendemain, petits comme adultes étaient repartis, et nous avons également pris la route.


La famille de la deuxième nuit avait la vue sur les plaines et des montagnes au loin, un peu en surplomb, et possédait un gros troupeau de chèvres. C’est juché sur son vélo que le père de la famille a rassemblé le troupeau dans l’enclos. En fin de journée, on nous a préparé un plat typique du désert de Gobi, avec de gros morceaux de mouton à manger sur l’os et de grosses pâtes, vraiment succulent. Dès le repas, on nous a servi godet de vodka sur godet de vodka, pour Marc accompagné également de pintes de bière.


On a continué la soirée dans le salon familial, qui se trouvait (exceptionnellement) dans une cabane. Après une petite offrande de vodka à la montagne (rituel qui ne peut être accompli que par les hommes…), celle-ci a continué à couler à flots, et notre chauffeur à débiter blague après blague avec son air stoïque – mais tout en faisant éclater de rire l’ensemble du groupe. Comme les guides de l’agence viennent souvent faire les tours en passant dans les mêmes familles, des liens d’affection se tissent et les gens sont contents de se revoir. Nous avions la chance qu’une autre interprète, rechignant moins que la nôtre à traduire ce qui se disait, soit de la partie et nous permette de vraiment participer à la soirée. De mon côté, j’avais appris juste assez de mongol pour faire une petite blague, jolie réussite!



Toute cette bonne humeur a fini en chant traditionnel, moment auquel Marc était suffisamment saoul pour taper la chansonnette, mais déjà trop pour se rappeler des paroles. Heureusement que c’était dans une langue qu’iels ne comprenaient pas et qu’on a pu improviser vraiment n’importe quelles paroles, en tenant simplement la mélodie. On a avait lu que les Mongols nous coucheraient sous la table si on buvait avec eux; je n’ai pas poussé le vice jusque-là, mais je vous laisse imaginer dans quel état Marc a fini. Voici pourquoi, contrairement à lui, j’ai pu de bon matin tenter la traite de chèvres (échec à nouveau). Avec 70 chèvres, il y a de quoi traire un moment!



Je ne vais pas énumérer chaque famille et chaque repas, mais toutes les soirées n’ont pas été aussi arrosées. La constante reste la quantité de viande (mouton, bœuf, chèvre), la faible quantité de légumes (plus qu’on craignait, mais quand même pas des masses), le thé au lait, et de plus en plus de produits laitiers variés – ça on en reparlera. Et bien sûr: le vent! Il nous a accompagné•es durant toute la traversée du désert de Gobi. Les jeeps qui filent à travers le désert déplacent un nuage de poussière à la Mad Max, on a traversé des dunes de sable et aussi aperçu des mirages à l’horizon. Et on a pu apprécier un coucher de soleil sur le désert, depuis un camp de touristes une fois où on ne dormait pas chez l’habitant•e.

