
La Bolivie fut le théâtre de douces retrouvailles, parce que mon Eman est venu me rejoindre de l’autre côté de la planète. Après 2,5 mois sans se voir, c’est à Santa Cruz que nous avons passé Noël par 30 degrés (nuageux cela dit). Emanuele a eu droit à ses premiers jus de fruits, et ses premiers repas au marché. Pas tombé une seule fois malade, je précise!


Nous avons passé douze superbes journées ensemble, en commençant par la décevante découverte de Santa Cruz et de son manque de charme, d’intérêt culturel et de propreté. Puis nous avons embarqué pour ce qui fut mon pire trajet en bus (de nuit) de tout le voyage, le premier d’Eman en Amérique du Sud. Le bus puait (ou plutôt les gens dedans), il était sale, il faisait chaud, et quand il a commencé à pleuvoir, nos sacs, poses par terre, se sont retrouvés mouillés. Ah il y a mieux: quand le bus s’est arrêté pour manger on avait à peine eu le temps de commencer notre repas que le bus a voulu partir sans nous! Un commencement comme sur des roulettes dont on se souviendrait plus tard en étant bien heureux que cela ne se soit plus répété… De plus, il faut savoir que, la Bolivie étant l’un des pays les plus pauvres de la région, la précarité est assez visible, l’hygiène moyenne et les champs de déchets assez commun (à part dans les zones vraiment touristiques, mais même).


Bref, première étape de notre tour bolivien: Sucre la Cité Blanche (à lire « sou-cré »). C’est une petite ville vraiment charmante, qui comme son surnom laisse deviner est constitué de nombreux monuments de l’époque coloniale. Il y a d’ailleurs même une règle qui veut que, chaque année, les bâtiments du centre soient repeints en blanc. Nous y avons passé une journée faite d’achats d’artisanat et de produits en laine de lama, de découverte d’un musée sur les tissus indigènes, de régal dans un restaurant végétarien, et de visite de l’ancien centre politique du pays reconverti en musée d’histoire. Il faut savoir que, constitutionnellement, Sucre est La capitale du pays. De fait, la capitale politique est devenu La Paz lorsque les instances principales (exécutives et législatives) s’y sont déplacées en 1899, mais le statut de capitale que leur ville possède malgré tout reste cher aux sucrenses.


Après quelques jours de pluies ponctuelles, le soleil s’est enfin décidé à pointer le bout de son nez. Nous sommes arrivés à Tupiza après un autre trajet en bus de nuit, bien moins pénible cette fois-ci. Là, nous avons retrouvé Adnan, un ami français rencontré lors de mon excursion au Machu Picchu et qui comptait faire le même tour que nous au sud Lipez, dans le sud du pays. Ce qui nous attendait était véritablement des plus merveilleux… Nous avons commencé par un excellent petit déjeuner au marché: pastel et api, de la fine pâte frite en forme de gros beignet fourré avec un peu de fromage et saupoudré de sucre glace accompagnée de sa boisson épaisse à base de maïs rouge et jaune. Après cela, nous avons fait une visite du canyon du coin, digne des décors de westerns américains. Balade particulière puisqu’effectuée… en mototaxi!


Et le lendemain, nous sommes partis en road trip dans la région entre Tupiza et Uyuni, région désertique riche en paysages lunaires et vues spectaculaires. Un régal pour les yeux qui a duré 4 jours et nous a véritablement enchanté. C’est en jeep que nous avons traversé cette zone particulière du continent sud-américain, en nous arrêtant pour profiter des vues. Lors des repas de midi, une table était improvisée avec la porte du coffre et nous mangions à même le sol. Le premier jour, ce furent canyons de terre rouge et blancs monuments de boue sculptés par les intempéries, ainsi que le premier contact avec nos amis les lamas, que nous aurions l’occasion d’admirer sous tous les angles un grand nombre de fois, pour notre plus grand bonheur. Les terres ocres touffues de fougères sèches étaient arides et des montagnes aux courbes douces découpaient la ligne d’horizon telles des dents sombres devant le ciel blanc. En chemin, nous avons pu apercevoir un renard beige et un lapin à longue queue s’enfuyant, mais aussi voir passer des autruches andines au corps rond et aux pattes fines, et un grand nombre de vicuñas (vigognes, un cousin du lama à la silhouette de gazelle).



Durant l’excursion, nous roulait sur l’altiplano, soit le plateau en altitude, à peu près à 4000m. Nous sommes à vrai dire aussi montés pas mal plus haut avec la jeep, jusqu’à 5000m. A un moment, parmi les roches et même un peu de neige, nous avons visité un « village fantôme », anciennement minier et qui fut décimé par une épidémie. A 4850m, nous avons vu un lac blanc asséché, fait de borium et non de sel. Puis nous avons eu droit à un semblant de migration de lamas, ces velus camélidés aux jambes tordues (leurs ongles les font appartenir à cette famille, et lorsqu’ils mangent leur mâchoire se désarticule presque, un peu comme leurs cousins les chameaux). Derrière les nuages de fumée soulevés par le passage de nos jeeps, nous avons plusieurs fois vu se détacher la silhouette d’un volcan en fond, et les changeant contrastes de couleurs et d’ombres et de lumières dus à la végétation, aux nuages et aux différents minéraux qui composent le sol était saisissant. Ce soir-là, la nature nous régala même un coucher de soleil sur fond de nuages oranges, rose et violets, parmi les plus beaux spectacles que j’aie admiré durant mon voyage je crois.



Le lendemain, nous avons commencé la journée par une lagune aux odeurs de soufre visitée par un tas de flamants roses se baladant élégamment à la surface de l’eau faisant miroir avec le ciel. Puis, nous avons continué à traverser le désert de sable bordé de montagnes multicolores pour rejoindre la Laguna Verde, étendue d’un bleu ciel éclatant au pied d’un volcan. L’étape suivante était une petite zone d’activité volcanique dont les symptômes sont geysers de vapeur et de soufre ainsi que flaques de boue bouillonnantes dans un paysage de teintes jaunâtres, marron et ocre digne d’un autre monde. D’ailleurs à propos de vues surréelles, nous avons terminé la journée par une balade avec des lamas le long de la Laguna Colorada, un lac… orange!




Le troisième jour, nous sommes entrés dans la réserve naturelle de faune andine Eduardo Avaroa, où, désert et superbes montagnes avec chapeau de neige mis à part, nous avons aussi vu un champ de roche dont l’une presque taillée en forme d’arbre par les éléments. Après, ce fut une autre lagune, turquoise celle-ci, au bord d’une montagne, reflétant le ciel et les nuages, puis une autre encore, servant toujours de lieu d’alimentation pour des flamants roses vus carrément de très près. Nous avons à nouveau mangé en pleine nature, face à un spectaculaire paysage de montagne au ciel tacheté de nuages, puis nous avons été voir un autre lac d’une couleur inattendue: noir cette fois! (à cause des algues qu’il contient) Enfin, quand les roches ont commencé à être décorées de cactus et que les montagnes au loin sembler flotter au-dessus du sol par effet d’optique dû à la chaleur, nous avons compris que nous nous approchions de la dernière étape de notre voyage: le Salar d’Uyuni, le désert de sel. Cette nuit-là, nous avons dormi dans un hôtel dont les murs, le sol, les meubles étaient entièrement faits de sel (on a fait le test de vérification par léchage!).




La dernière étape importante de notre tour fut donc le Salar, et nous nous sommes levés au (tout) petit matin pour d’abord tenter d’observer les étoiles puis de voir le lever de soleil sur le désert. Ça a raté: il était trop tard pour les étoiles et le lever de soleil fut l’un des plus lamentables de ma vie, complètement caché par les nuages. Mais peu importe: l’endroit est unique et offre une vue superbe, s’étendant sur des kilomètres et des kilomètres (10’000 km carré) et le niveau du lac augmentant chaque année (en fait la couche de sel est épaisse de 2m à 20m, et en-dessous il y a de l’eau!) On s’est baladés un peu sur Incahuasi, l’île aux cactus, puis on a fait un tour sur le sel, et ensuite on est allés voir l’îlot de drapeaux (à côté duquel se trouvait aussi une sculpture géante du Paris-Dakar, qui je l’ai appris ne passe désormais plus ni par Paris, ni par Dakar, mais par l’Amérique du Sud et notamment Uyuni (plus tard, en Argentine, ma route a re-croisé celle du Dakar)). Le magnifique tour s’est terminé après que nous ayons été voir un cimetière de trains et locomotives près d’Uyuni, ville dénuée du moindre intérêt si ce n’est pour sa proximité avec le Dakar. En conclusion, je crois qu’on peut dire que ce tour fut génial et incontournable!

On a partagé une pizza au lama dans un restaurant visité par toute la mafia italienne du coin, puis salué Adnan, qu’on compte bien aller voir jouer du théâtre sur Paris une fois qu’on sera revenus! Il continuait sa route vers le Pérou tandis que nous, nous nous dirigions (à nouveau) vers Sucre. Là, nous avons visité un monastère avec terrasse donnant sur les toits de la ville, puis nous nous sommes baladés au soleil jusqu’au cimetière municipal donnant une calme impression de jardin ou de petit parc. Nous avons terminé l’après-midi par une visite au Musée du Trésor, donnant à voir un résumé de la richesse et l’histoire minière du pays: or, argent, pierres précieuses de nombreux types, géodes, Emanuele était aux anges! Et c’est vrai que moi-même, qui n’ai pas de grande passion pour ce que j’appelle les cailloux, j’ai été assez impressionnée par les petits et grands trésors que la nature et la chimie peuvent créer.

Nous arrivions gentiment vers la fin de nos vacances ensemble, et nous avons choisi de nous arrêter à Samaipata sur la route du retour vers Santa Cruz. Le sort a voulu que nous manquions notre bus, et qu’aucune place ne soit plus disponible dans le suivant et dernier. Catastrophés parce qu’étant donné les dates de vol d’Eman nous n’aurions pas pu nous arrêter à Samaipata si nous prenions un bus le lendemain, nous avons acheté des billets pour passer le trajet (de nuit!) dans l’allée, soit dormir par terre (d’ailleurs on s’est rendu compte par après que le gars de la billetterie avait essayé de nous vendre ces « places » à un prix plus élevé que le billet normal, heureusement qu’on s’est pas laissés faire!). Super nuit en perspective… En fin de compte on a eu de la chance: il y avait des places dans le bus dont le propriétaire était absent, et nous avons pu dormir sur des sièges – tant mieux, parce que vu la route de montagne et comme on s’est fait bringuebaler à toute vitesse par le chauffeur fou, nous n’aurions pas fermé l’œil!


Samaipata est un petit village très mignon et tranquille, au bord d’un parc national, et qui a aussi la particularité d’être très proche de Vallegrande, près d’où Che Guevara a été arrêté puis tué en 1967. Il aurait malheureusement fallu plus de jours de libre pour aller visiter ce lieu ainsi que les autres endroits où il a passé ses derniers jours, nous nous sommes donc contentés d’une petite rando dans la forêt. Cette zone a de spécial que l’on trouve dans sa flore des fougères millénaires, nous avons apprécié ce petit retour à une relative fraîcheur (et un peu de verdure!) après des jours dans le désert. Nous avons bien profité de notre passage à Samaipata pour nous relaxer un peu et faire quelques promenades au marché et parmi les magasins de splendide artisanat. J’adore l’esthétique des Andes! De nombreux objets sont recouverts du tissu traditionnel rayé et multicolore (aguaio) ou les nappes en sont faites, c’est vraiment particulier et très beau. Nous dormions dans un bed&breakfast extrêmement mignon, tenu par un couple adorable et leur minuscule chaton qui nous a définitivement charmés.

Pour retourner à Santa Cruz, nous avons embarqué dans un minibus pour six dans lequel nous fûmes évidemment sept passagers (ça fait gagner plus et peu importe s’ils sont tassés au dernier rang). Et, pour notre dernier soir, mon chéri m’a invitée au restaurant chic de Santa Cruz, premier en tête des recommandations: Chalet la Suisse (ceci n’est pas une blague). Nous y avons dégusté les très traditionnelles fines tranches de lama accompagné de spätzlis, comme il se doit. Succulent! Ce qui était étrange après toute la pauvreté observée à travers le pays, c’était que le restaurant se situé clairement dans le quartier riche de Santa Cruz, et que nous étions assis au milieu de gens clairement aisés et vêtus de façon élégante pour sortir (alors que nous étions en mode pouilleux en shorts). Sacré contraste!

Et puis voila, le temps de se quitter à nouveau était arrivé, et nous nous sommes dit au revoir et à dans 2,5 mois (un peu moins en fait, 2 mois et 10 jours). Ce fut vraiment super de se revoir, de partager des moments, de pouvoir juste être ensemble même sans parler, de faire voir un peu à Emanuele ce que je vis durant cette période spéciale. Et puis vous savez quoi? Bien que tout ce que je fais me rends très heureuse et que je n’aimerais pas que ça s’arrête, revoir mon homme m’a fait me réjouir de revenir!


J’ai quelques commentaires à vous faire sur la Bolivie. Déjà, la nourriture est loin d’être aussi mauvaise que l’on m’avait prédit (quelqu’un m’a dit que le Chili est pire, avec ses hot dogs et sauce Mayo, je vous redirai): bien sûr il s’agit souvent de poulet et riz, mais on a souvent où trouver des petits restos sympa où on a bien mangé, et les fois où on a vraiment mangé local c’était sincèrement pas si horrible – juste rien de spécial. Ensuite, sur le thème des infrastructures, j’ai trouvé assez fou comme l’état des routes varie selon un facteur que j’ai de la peine à accepter: la présence ou non d’une industrie pétrolière ayant besoin de transporter sa matière première. Quand j’ai pris un bus pour traversé le pays du nord au sud afin d’entrer en Argentine, j’ai parcouru une distance équivalente à ce que nous avons fait en deux nuits (Santa Cruz-Sucre-Tupiza) en… une nuit, soit la moitié du temps (et donc aussi de l’argent). Tout ça parce que personne n’a intérêt améliorer la qualité de la route pourtant la plus touristique, le gouvernement étant trop occupé à s’en mettre plein les poches pour investir dans la qualité de vie de ses citoyens. Ce sont donc les privés, les entreprises, qui s’occupent d’avoir des routes correctes là où cela leur sert. Inacceptable et déprimant… Sur un autre thème, voici quelques statistiques que je trouve très intéressantes et surprenantes: j’ai vu passer un classement international concernant l’égalité entre hommes et femmes, et alors que le Pérou fait partie des pays les moins égalitaires dans le monde, en 73ème position sur 109 (juste devant la Chine et l’Indonésie et juste derrière la Grèce), la Bolivie est le plus égalitaire de tous les pays que j’ai visité ou vais visiter, en 21ème position (un peu devant l’Espagne et les USA, et un peu derrière le Royaume-Uni et la Belgique) et ayant grandement amélioré son score entre 2015 et 2016.


Sinon, nous avons rencontré vraiment plusieurs occidentaux venus s’installer en Bolivie (généralement par amour), dont un suisse de Schwyz. Je ne crois pas avoir vu de noirs, à part des touristes afro-américains, l’ensemble de la population est indigène ou descendante d’espagnols (il y a 36 populations indigènes en Bolivie), et généralement les Boliviens sont petits et gros (plus que les autres pays, et le poids est probablement dû en partie à la pauvreté – manque d’éducation et bas prix des sodas, car l’ensemble du pays semble sponsorisé par Coca-Cola!). En Bolivie, comme au Pérou, j’ai souvent vu des jeunes danser sur les places publiques et dans les parcs le soir, des danses traditionnelles parfois revues à une sauce plus moderne, et apparemment ils se préparent (déjà) pour Carnaval, je trouve ça génial! Et puis, finalement, le jour où je sortais du pays j’ai pu apercevoir en 5 minutes trois inscriptions ou tags assez représentatifs du pays: une devanture dont le nom était « karaoké disco Obama » (globalisation, influence de l’Occident dans le pays), un visage du Che sur la porte du bus (une part de l’histoire du pays et de son ancrage dans les réalités régionales, communisme et guérillas), et une incitation à voter pour Evo Morales pour favoriser le développement du pays et l’éducation (le premier président bolivien indigène, de l’ethnie Aymara, a été réélu en 2014 après deux mandats de 4 ans depuis 2006 – certains l’adorent parce qu’il représente un certain changement, ses opposants déplorent la corruption qui, comme toujours, a gangrené son régime et décrédibilisé « Evo » comme représentant du peuple).


Quant à l’histoire bolivienne, puisque comme toujours j’aime bien vous donner le contexte et planter un peu le décor, elle passe aussi par une libération du pays par Simon Bolivar (c’est le pays le plus haut sud qu’il ait libéré, sauf erreur, d’ailleurs le pays a été nommé ainsi en son honneur). La lutte pour l’indépendance à commencé en 1809 et le pays fut déclaré libre en 1825. Entre-deux, myriades de figures locales se sont battues héroïquement, dont (et c’est assez rare pour être mentionné) une femme indigène, Juana Azurduy, ayant successivement perdu tous ses enfants, maris et compagnons et ayant été reconnue comme un élément important de la lutte – Bolivar aurait d’ailleurs précisé que c’est après elle qu’il faudrait nommer le pays, mais étonnammeeeeent personne n’a semblé tenir compte de cette remarque. Plus tard dans l’histoire, un fait important est que le pays a perdu son accès à la mer, dont le Chili s’est emparé (il espère et réclame encore récupérer ce territoire).


Prochaines étapes: depuis que j’ai quitté la Bolivie j’ai traversé le nord de l’Argentine en une semaine et je suis arrivée au nord du Chili, je vais ensuite descendre en Patagonie et y passer un peu moins d’un mois, ça va être sauvage et fantastique!
J’ai enfin réussi à mettre à jour mes photos en ligne!
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Et pour celles du Pérou où l’on voit Cusco, le trek de Salkantay et le Machu Picchu: clique ici!

Wonderful pictures, Aude!
Trop beaux textes et belles photos ! Chaque édition est plus belle…